Dixième partie — L’impatience

Question: Au début de ma vie spirituelle, j’avais beaucoup d’enthousiasme, mais il s’est évanoui. Comment puis-je continuer à faire des progrès réguliers ?

Sri Chinmoy: Lorsque nous nous lançons dans la vie spirituelle, nous avons besoin d’enthousiasme. Autrement nous ne bougeons pas d’un pouce. L’enthousiasme est une très bonne chose, mais un excès d’ardeur ne l’est pas. Lorsque nous mangeons au-delà de notre capacité, nous souffrons d’indigestion. Dans votre cas, ce n’était pas de l’enthousiasme que vous aviez, mais de l’avidité. Comme un glouton, vous êtes devenu trop avide et vous avez voulu trop manger. Vous faites erreur si vous pensez que vous serez capable de réaliser Dieu en un jour, ou de battre tout le monde dans une compétition sportive. Vous ne vous mesurez qu’à votre propre ignorance. Dans cette course, vous avez donc besoin de patience aussi bien que d’enthousiasme pour bien faire.

Ressentez toujours que vous avez non seulement quelque chose à accomplir, mais aussi quelque chose à donner. Si vous attendez une grande paix de l’esprit sans aucun don de soi, vous serez inévitablement frustré. Mais le temps est un facteur important. Vous aurez beau vous dire en toute sincérité : « Je vais réaliser Dieu demain », votre ardeur la plus sincère ne vous décrochera pas pour autant un diplôme de maîtrise en une nuit. La sincérité est une bonne chose, mais vous devez également être raisonnable et conscient de votre capacité. Si vous décidez qu’à telle ou telle date, vous devez réaliser Dieu, vous serez forcément déçu. Dieu vous donnera la réalisation, mais seulement à Son Heure Choisie. Considérez-vous toujours comme un écolier qui passe chaque année dans la classe supérieure, mais ne pensez pas au jour, qui peut-être encore lointain, de la remise des diplômes.

Lorsque vous tournez un tout petit peu le bouton d’une gazinière, vous ne voyez pas la flamme. Mais si vous tournez le bouton un petit peu plus, la flamme s’élève immédiatement. Dans la vie spirituelle, c’est la même chose : au début, votre aspiration ne produit aucun résultat tangible. Mais comme petit à petit vous vous tournez davantage vers Dieu, vous atteignez un point où la flamme de votre aspiration brille de manière éclatante. Dans la vie spirituelle, au bout de cinq, quinze, voire trente ans, selon la Volonté de Dieu, la méditation devient spontanée. À partir de ce moment-là, vous ne vivrez plus cette expérience d’un enthousiasme de cinq minutes suivi d’une dépression de toute une journée, parce que vous n’aurez pas gagné des millions de dollars spirituels au cours de ces cinq minutes.

Il est toujours bon d’avoir de l’enthousiasme dans la vie. Autrement, il n’y aurait pas de progrès. Mais si vous êtes trop avide, vous essayerez d’obtenir de Dieu ce que vous n’êtes pas encore prêt à recevoir. Vous courrez vers votre destination, mais si vous essayez d’aller au-delà de votre capacité, vous trébucherez et tomberez, et cela ne pourra que retarder votre progrès. Alors soyez patient et contentez-vous d’aller un peu plus lentement, mais régulièrement et sûrement.