20. Question : Pourquoi notre voie est-elle si difficile ?

Sri Chinmoy : Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point. Bien sûr, si je sympathise avec les disciples qui n’aspirent pas, je rejoindrai votre opinion ; mais pas si je m’identifie avec ceux qui aspirent ! Pourquoi notre voie est-elle si difficile ? D’une part, nulle voie spirituelle ne peut être facile ; mais d’autre part, aucune voie ne peut être considérée difficile si l’on comprend la réelle valeur du But.

Pourquoi adopte-t-on une voie spirituelle ? Simplement parce que l’on sent que si l’on chemine sur cette voie, on atteindra un jour une destination qui est inondée des qualités divines du Suprême. Tel est notre But. Et naturellement, plus le But est élevé, plus le voyage sera ardu.

Nous devons savoir que nous sommes en train d’avancer sur un chemin. C’est-à-dire que nous faisons une chose que les autres ne font pas. Alors, aussi longtemps que nous le ferons, notre But, notre satisfaction, seront radicalement différents des leurs. Mais par ailleurs, notre satisfaction sera plus précieuse, plus durable, plus comblante. Lorsque nous allons à l’école pour acquérir la connaissance et la sagesse, notre satisfaction s’accroît parce que nous y gagnons quelque chose. Si je reste à la maison sans étudier, cela veut dire que je veux rester ignorant. Hier, vous étiez un ignorant comme moi, mais aujourd’hui, une nouvelle lumière a point en vous et vous voulez aller de l’avant ; vous voulez devenir un homme de connaissance et de sagesse. Hier, nous en étions au même point, mais à présent vous avez avancé d’un pas. Hier nous partagions la même satisfaction. Aujourd’hui, vous avez fait un pas en avant pour trouver une satisfaction nouvelle qui vous comblera davantage.

Vous avez naturellement fait un effort pour atteindre votre objectif. Chaque fois que l’on fait quelque chose de nouveau, cela paraît difficile. Pour un petit bébé qui marche à quatre pattes, il est vraiment dur se lever et de faire un pas. Commencer à marcher est aussi difficile. De même, lorsqu’il essaie de courir, l’enfant a du mal. Tout ce qui est nouveau semble ardu. Il en va de même dans la vie spirituelle : avant de commencer à cheminer sur une voie, quelle qu’elle soit, il est très facile de demeurer immergé dans l’ignorance. Mais dès l’instant où nous voulons traverser à la nage la mer de l’ignorance pour accéder à celle de la connaissance et de la sagesse, la difficulté nous paraît grande. Car tout nouveau mouvement dans la vie demande un effort. Ce n’est pas notre voie qui est difficile. Elles le sont toutes, au début. Une voie implique un mouvement et le mouvement est porteur de nouveauté. Ce qui est nouveau semble ardu, car c’est quelque chose d’apparemment inconnaissable. Mais dès que l’on a fait le premier pas et que l’on est prêt à faire le second, le premier semble avoir été très facile. Lorsqu’on vient d’entrer au jardin d’enfants, il paraît impossible d’aller à l’école. Mais une fois sorti du jardin d’enfants, lorsqu’on est bien établi dans l’école primaire, on se rend compte à quel point la connaissance et la sagesse du jardin d’enfants étaient faciles à acquérir.

Au début, tout ce que nous faisons nous semble difficile parce que c’est inconnu. Mais ce qui est inconnu n’est pas pour autant inconnaissable. À peine entrés dans le monde intérieur, nous nous y sentons totalement perdus. Mais ce monde ne nous demeure pas inconnu à jamais. Nous finissons par le maîtriser au bout d’un certain temps. Alors, les difficultés s’évanouissent. Ce qui est inconnaissable aujourd’hui ne sera plus qu’inconnu demain. Et après-demain, cela sera connu. Et le jour suivant, ce ne sera plus qu’un simple fait, dont nous dirons : « Oh, je l’ai toujours su ».

Aujourd’hui un petit garçon m’a demandé : « Avez-vous toujours connu Dieu ? » Je lui ai répondu : « Oui et non. Avant de réaliser Dieu, j’avais le sentiment de ne pas toujours Le connaître, mais le jour où je L’ai réalisé, j’ai pris conscience du fait que je L’avais toujours connu. Je L’ai connu depuis le début de la création, lorsque nous avons été tous deux responsables de la création. Lorsque vous réaliserez Dieu, vous sentirez vous aussi que vous et Lui avez été des partenaires également responsables, et que vous avez toujours été ensemble. Il a voulu que vous jouiez le rôle du son tandis qu’Il jouait celui du silence. Alors Dieu a dit : « Je resterai ici, et toi, tu descendras. Je demeurerai auprès de toi tandis que tu joueras le rôle du son. Et d’en-haut, Je jouerai le rôle du silence.»

Avant la réalisation de Dieu, nous ne pouvons pas dire franchement, avec toute la conviction de notre cœur, que nous connaissons Dieu depuis toujours. Une personne non-réalisée aurait tort d’affirmer cela. Mais une fois qu’on a réalisé Dieu, dire que l’on n’a pas toujours connu Dieu serait une erreur véritable. Ce serait une sorte de fausse modestie.