3. Question: Une faiblesse humaine peut-elle jamais être divine ?

Sri Chinmoy : Une faiblesse humaine ne peut jamais être divine. La faiblesse d’un être ordinaire est tout à fait humaine. Comment serait-elle alors de nature divine ? En revanche, si l’on considère la même tendance chez un être divin, elle peut nous sembler pareille à nos propres faiblesses, mais il faut savoir que cette apparente faiblesse humaine n’est alors qu’un masque. Lorsqu’un homme, au moment de mourir, s’écrie : « Ô Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? » il fait preuve de faiblesse humaine. Mais lorsque le Christ a dit : « Père, pourquoi m’as-Tu abandonné ? » ce n’était en fait pas une faiblesse humaine qui s’exprimait par sa bouche. C était son identification à l’ignorance humaine. Lorsqu’il s’identifia à l’ignorance humaine, il dit : « Pourquoi m’as-Tu abandonné ? », mais lorsqu’il s’identifia au Divin, il dit — lui, la même personne : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Si le Christ, au lieu de s’identifier à l’humain, était resté en permanence dans le Divin —qui était sa possession et son essence — personne n’aurait jamais essayé de l’imiter ou de devenir comme lui. Les gens auraient dit : « Oh, vous êtes divin, vous êtes grand, vous êtes suprême. Vous demeurez toujours au plus haut niveau. Comment pourrions-nous devenir comme vous ? » S’il ne fait qu’un avec nous, dans notre entendement, s’il accepte aussi les souffrances qui sont les nôtres, au même niveau, s’il dit les mêmes choses que nous, les gens peuvent y voir une faiblesse humaine, mais le Suprême saura que c’est précisément cette attitude qui permettra à l’humanité d’avoir l’espoir et l’assurance qu’elle pourra un jour, accéder à son tour à la Divinité. Car les êtres humains verront en lui un être qui tantôt est aussi désarmé qu’eux et tantôt peut devenir complet, intégral, parfait, divin et suprême en toute chose. Prendre la faiblesse d’un être divin pour une faiblesse humaine serait donc une erreur. Il faut considérer ce qu’il fait et pourquoi il le fait : est-ce parce qu’il est ignorant ou bien parce qu’il ressent que c’est la seule manière d’amener des êtres humains jusqu’au But divin ?

Un être divin agira comme une mère qui éduque son enfant. L’enfant marche à quatre pattes et il essaie de se tenir debout. Que fait la mère ? Parfois elle fait semblant de ne pas arriver à se tenir sur ses jambes. Elle fait exprès de tomber, ce qui remplit l’enfant de joie. Alors, lorsque la mère s’est tenue debout une ou deux fois, l’enfant en fait de même. Si la mère restait toujours debout et que l’enfant ne la voyait jamais tomber, l’apprentissage serait bien plus difficile. Tandis que lorsque la mère tombe, l’enfant voit que c’est un vrai jeu ; et lorsqu’elle se relève, cela donne à l’enfant un peu d’ espoir et d’inspiration nécessaire pour finalement y parvenir lui-même.

Le Christ dissimulait le Divin dans l’humain. Il disait que l’homme ne doit pas et ne peut pas rester humain à jamais. Il peut et doit devenir le Divin. Mais les faiblesses d’un être humain ordinaire, qui est aux prises avec d’innombrables problèmes d’ordre émotionnel, vital et autres, sont sans aucun doute tout à fait humaines. Elles n’ont rien de divin. Cependant ces faiblesses peuvent se transformer un jour. La colère d’aujourd’hui peut devenir énergie divine, force divine. La faiblesse d’aujourd’hui peut aisément se transformer en la force et la capacité divine de demain. Mais tant que la faiblesse humaine ne sera pas transformée, tant qu’elle demeurera dans l’être humain ordinaire dénué d’aspiration, encore en chemin vers la perfection, elle demeurera une faiblesse humaine. Nous ne pouvons pas nous comparer au Christ et aux autres sauveurs du monde parce que nous ne savons pas ce qui est en nous, alors qu’eux le savaient. Ils ne faisaient que mettre un masque afin que l’humanité n’eût pas l’impression d’être séparée d’eux par un gouffre béant.