Dans une réflexion tirée de l’un de vos livres, vous dites que la mort est un obstacle. J’ai toujours cru que vous considériez la mort comme une transition nous permettant de renaître et d’accomplir des progrès continus.

Parfait. J’ai dit que la mort était une transition. J’ai dit que la vie et la mort étaient semblables à deux pièces : la vie est mon salon, et la mort ma chambre à coucher. Lorsque je dis que la mort est un obstacle, je me place d’un point de vue différent. Qu’est-ce qu’un obstacle ? C’est quelque chose qui nous empêche d’avancer. C’est une limite que nous ne parvenons pas à dépasser.

Cette vie est une opportunité précieuse qui nous est offerte par le Suprême. L’opportunité est une chose, l’accomplissement en est une autre. Notre évolution spirituelle, notre progrès intérieur, sont à la fois très réguliers, très lents, et des plus significatifs. Bien entendu, il existe des gens qui, durant des centaines ou des milliers d’incarnations, suivront le cycle normal, naturel, de la naissance et de la mort. Puis un jour, au sein de l’Éternité de Dieu, ils réaliseront Dieu. Mais certains aspirants véritables, sincères, authentiques, font la promesse fervente qu’en cette incarnation, ici et maintenant, ils réaliseront Dieu. Ils parlent ainsi tout en sachant que cette vie-ci n’est ni leur première, ni leur dernière. Mais ils savent qu’il existe des gens qui ont réalisé Dieu et ils ne veulent pas attendre pour cela une incarnation future trop lointaine. Ils pensent qu’il est vain de vivre sans la réalisation de Dieu et ils souhaitent l’atteindre dès que possible. Dans de tels cas, si la mort survient sans que ces personnes aient atteint la réalisation, elle constitue effectivement un obstacle. Si une personne destinée à mourir à l’âge de cinquante ans aspire avec ferveur et parvient à faire reculer la date de sa mort d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, avec l’approbation bienveillante du Suprême, comment utilisera-t-elle cette prolongation ? Elle continuera à vivre son aspiration sincère, sa méditation la plus profonde, sa contemplation la plus élevée. Elle sera pareille à un athlète courant vers son But sans rencontrer d’obstacle sur son chemin. Durant ces vingt ou trente années supplémentaires, elle atteindra le point ultime, celui de son But.

Mais si la mort survient entre-temps, cela l’empêchera de réaliser Dieu en cette vie. Très peu d’âmes parviennent, lors d’une incarnation nouvelle, à renouer immédiatement avec le fil de leur aspiration passée. Dès que nous venons au monde, les forces cosmiques non divines nous attaquent, et l’ignorance, les limites et les imperfections du monde tentent de recouvrir l’âme. Lors des années de formation de l’enfance, on ne se souvient de rien. Un enfant est innocent, ignorant et impuissant. Puis, quelques années plus tard, son mental commence à fonctionner.

Entre l’âge de huit ans et celui de douze ans, le mental complique tout. Pratiquement toutes les âmes, aussi élevées et spirituelles soient-elles, oublient leurs accomplissements passés et leur imploration intérieure la plus profonde durant les onze, douze ou treize premières années de la vie. Il existe bien des maîtres spirituels ou de grands aspirants qui vivent quelques expériences élevées au cours de l’enfance, ou qui commencent à penser à Dieu ou à Le louer dès leur plus jeune âge, mais il n’y a pas habituellement de lien puissant entre les accomplissements de l’âme sur terre lors de sa précédente incarnation et les années d’enfance de l’incarnation présente. Un lien existe, un lien très subtil, mais il ne fonctionne pas de manière significative durant les douze ou treize premières années de la vie.

Certaines âmes ne retrouvent l’inspiration de leur incarnation précédente qu’après l’âge de cinquante ou soixante ans. Du point de vue spirituel, cette période représente une perte de temps. Si un individu perd cinquante ans dans son incarnation actuelle, et qu’il a déjà perdu vingt ou trente ans lors de la précédente, cela revient à dire que quatre-vingts années ont été gâchées. Dans un tel cas, je dis que la mort est un véritable obstacle. Il nous faut déplacer cet obstacle à l’aide de notre aspiration, une aspiration ininterrompue. L’aspiration doit être pareille à une balle de revolver. Elle doit transpercer le mur de la mort. Bien que cela puisse demander un certain temps, l’être intérieur finira par apparaître consciemment à la surface, et la personne se mettra à prier et à méditer sur Dieu avec le plus de puissance et de sincérité possible lors de sa nouvelle incarnation. Elle comprendra alors que rien de son passé n’a été perdu. Tout a été préservé au sein de la conscience de la Mère Terre, qui est comme une banque commune à chacun. L’âme saura combien elle a accompli sur terre : tout cela est bien à l’abri à l’intérieur de la conscience de la Terre, de la banque terrestre. Supposez que vous déposiez de l’argent ici dans une banque et que vous partiez en Angleterre pour n’en revenir qu’après six ans ou plus. À votre retour, vous pourrez reprendre votre argent. L’âme agit de la même manière après avoir quitté la terre pendant dix ou vingt ans. Tous ses accomplissements sont précieusement conservés au sein de la Mère Terre. Celle-ci les rend à l’âme lorsqu’elle revient sur terre afin de travailler pour Dieu.

Dans la plupart des cas, rien ne se perd, si ce n’est le temps correspondant aux quelques années de l’enfance. Mais il est préférable de réaliser Dieu en une incarnation, afin de ne pas perdre à nouveau notre aspiration consciente durant cette période transitoire. Si nous parvenons à demeurer sur terre de cinquante à cent ans avec une aspiration immense et sincère, nous pourrons accomplir beaucoup. Si nous recevons l’aide véritable d’un maître spirituel, il nous deviendra possible de réaliser Dieu en une incarnation, ou en deux ou trois. Mais, sans aspiration ni maître authentique, cette tâche exige des centaines et des centaines d’incarnations.